Le principal hic de la solitude commence avec l’effroi de ne pas être accepté et se résout dans l’éradication de la peur d’être libre, qui est la juste audace de ne plus craindre de ne pas être aimé. Une des libertés les plus méconnues de la solitude est l’invitation lancée à soi-même de devenir son plus rigoureux critique, en toute amitié.

José Acquelin

Solitaire, tu n’es pas esseulé.e. Ta solitude n’est pas l’isolement, même si la déréliction a pu t’y mener. Tu ne rejettes pas le monde ; c’est l’expérience singulière que tu en fais qui te met au monde. Le chemin la vérité et la vie c’est toi. Une voix t’a murmuré dans la cohue de partir là où ça hurlait à toi : dans le désert. Tu ne rejettes rien. Tu ouvres quelque chose. Tu t’éloignes de la rumeur pour mieux entendre. T’as ôté ta tête du bass drum pour écouter les vibrations subtiles qu’il y a en toi. T’as été au plus profond de toi pour toucher ce qu’il y a de plus élevé, ce qui vibre avec plus d’intensité et d’amplitude, passé les ombres, toucher ce que tu as de plus précieux, c’est-à-dire ce qu’il te brule de partager, ce qui se multiplie par le don. Tu ne rejettes pas le monde. Tu te délestes des foules pour mieux dialoguer. C’est en te dégageant des masses, des conventions, des slogans, de la ligne de parti, que tu peux désapprendre l’obéissance et l’uniforme que t’as dû endosser enfant pour survivre. Ce n’est pas antisocial ; c’est dans ce dénuement seulement qu’il est possible d’être en relation. Il faut, dans les écoles et les casernes, une force de caractère hors du commun, une douceur rare, pour rester docile à ce qu’il y a en nous de curieux, de singulier, d’étrange, de rare, de spontané, de précieux ; ce à quoi on dit un grand OUI, lorsqu’on sait dire non. Ou alors c’est un handicap, une incapacité congénitale à marcher au pas, à adopter les comportements attendus, à s’y conformer, à se fondre dans la masse, à l’intégrer. Nous sommes né.es démasqué.es, ermites un peu malgré nous, parfois beaucoup. Ou alors, si on était des petites personnes normales et qu’on avait eu le talent précoce de simuler l’assentiment, il faut à présent beaucoup de discipline et de délinquante rigueur pour retourner tout ça, pour réapprendre l’indiscipline nécessaire à la plongée au fond de soi, au fond de Dieu. Ensuite, tu remontes à la surface du monde cette chose unique que tu as trouvée, qui sera immanquablement différente, désobéissante à ce qui est, à ce qu’il faut, aux allergies ennuyeuses de l’époque, comme à ses laxismes, comme à sa beauté aussi. L’enrichissement du monde, le plus de vie apporté au monde, ce n’est pas l’uniformité qui l’engendre. Avec la lenteur entêtée des très vieilles tortues, tu rapportes la lumière trouvée en tes profondeurs. Ta voix singulière a la chaleur lumineuse d’une chandelle, ou d’une étoile dans la nuit. Elle est vibrante, douce, arrogante et bouleversante. Elle est de celles qui sortent la lumière du boisseau et qui ajoutent à l’incandescence du monde.